Entretien avec Yvon Minvielle, citoyen écologique

Une autre vision de la nature et du vivant


photo tournage Domaine Josemeyer Alsace


Yvon Minvielle,viticulteur au Château Lagarette,co-auteur
du film L’ESPRIT DU VIN « Biodynamie,le réveil des terroirs » 2011(1h30)






Pourquoi faire un film aujourd’hui sur la biodynamie ?

C’est une histoire personnelle. Une histoire déjà longue, presque une quinzaine d’années. C’est la redécouverte des pratiques viticoles sous leurs différentes formes. Je suis issu du monde viticole, mais ce monde s’est fermé au début des années 60. Je l’ai quitté, je l’ai oublié. Je n’y suis revenu que trente ans plus tard et là, j’ai vu et entendu des « choses terribles », des choses qui contribuaient à la destruction des sols, à la destruction des plantes, au nom d’une chimie bienveillante etc. Tout le monde connaît cette histoire. Observant le sol, la plante, la nature, je me suis donc tourné avec Olympe ma compagne, vers une autre viticulture. Tout d’abord, la viticulture bio, puis ensuite la viticulture en biodynamie parce que, elle seule, m’apparaissait fonder sur des bases nouvelles, une approche des pratiques viticoles respectueuse du vivant. La biodynamie que je découvrais me semblait porteuse d’une autre vision de la nature, d’une autre philosophie de la nature. La viticulture bio se contente, hélas trop souvent, de remplacer les intrants chimiques, par des intrants bio. C’est déjà beaucoup, mais à notre sens, c’est insuffisant.

C’est pour témoigner de ce parcours personnel que j’ai souhaité faire ce film, mais cette raison n’est pas suffisante. Il y a d’autres raisons qui m’ accompagnent dans cette décision. Tout d’abord, un contexte politique qui nous conduit à penser que, sous peu, l’affrontement entre la viticulture conventionnelle, et la viticulture bio et biodynamie, se fera sous des formes très dures et très violentes pour la simple raison que par leurs seules existences, la viticulture bio et la viticulture en biodynamie « dénoncent » les pratiques de l’agriculture conventionnelle. Les pratiques de la biodynamie soulignent le désastre provoqué par les intrants sur les sols, sur les plantes, sur l’état sanitaire des grains de raisins donc sur le vin. Tôt ou tard, cette opposition viendra au grand jour, fera débat et conduira à des révisions déchirantes de certaines pratiques. Il nous paraît donc important, dans ce contexte, d’être prêt à affronter le débat, de rassembler suffisamment de données pour argumenter bien sûr, mais aussi faire comprendre à tous ceux qui s’intéressent au vin, les tenants et les aboutissants du débat qui va s’ouvrir. D’une manière générale, je pense que c’est aux vignerons eux-mêmes, et nous sommes des vignerons, de maîtriser leur argumentation, leur stratégie de communication et leur leur défense, tout ce qui peut les valoriser etc. Il n’est pas souhaitable de laisser les « autres » parler à notre place de ce qui relève de notre pratique ordinaire de vigneron.


Que retenez-vous de ces rencontres et échanges avec les vignerons de Renaissance des AOC, pendant les tournages ?

Les vignerons de Renaissance des AOC sont de fabuleux philosophes praticiens. Ils ont une intimité forte avec la nature, un contact quotidien. De ce contact quotidien, de cette intimité, il retire ce que j’appelle une sagesse pratique c’est-à-dire une certaine manière de se comporter avec la nature, mais aussi avec l’ensemble du vivant, avec les humains, avec eux-mêmes, et avec leurs proches. L’expression de cette philosophie ne se dit pas dans de grands discours, et de grands principes, elle s’inscrit dans le quotidien de leur acte, leur manière de faire, leur manière de vivre, de parler aux animaux, au cheval, d’observer les plantes, d’attendre patiemment que la réponse à une question posée se construise. Il y a dans l’activité des vignerons de Renaissance des AOC un cheminement original et spécifique dans le rapport à la nature.


L’agriculture est en danger, la terre aussi, quelles seraient, selon vous, les solutions possibles pour les générations futures ?

Voilà une question très importante à laquelle je ne saurai répondre en quelques mots, mais il est vrai que la biodynamie, comme je le disais à l’instant, contribue à fabriquer un type d’hommes et de femmes particulièrement attentifs aux évolutions naturelles. Il y a une sorte de néo-citoyenneté qui se forge avec un souci important de la responsabilité des actes que l’on pose lorsqu’on intervient sur la nature. Peut-être - je me risque un peu en disant cela - l’agriculture et la viticulture en biodynamie sont- elles les écoles de demain d’une citoyenneté écologique positive où l’on apprendrait à penser par les conséquences c’est-à-dire à se demander, à chaque fois, que l’on intervient sur des processus naturels déjà en place, quelles conséquences cela va avoir, quels risques on fait courir à la plante, aux autres plantes qui vivent avec cette plante, aux humains en général, à l’humanité toute entière. Certains diront « voilà des propos bien naïfs: Ce n’est pas parce que je donne à ce pied de vigne quelques gouttes de produits phytosanitaire, que je mets la planète en danger". Détrompez-vous chers amis qui pensez cela. Ce sont des actes aussi simples, aussi ténus que ceux que je viens d’évoquer qui demain sans doute permettront à celui que j’ai appelé le citoyen écologique de contribuer à ce que notre planète reste vivante.

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